Gays et poker professionnel : témoignages de pros

L’image du poker reste celle d’un milieu machiste. Qu’en est-il ?
Les World Series Of Poker, Las Vegas

 

S’il fut un temps où l’on jouait sur des bateaux à vapeur sur le Mississippi ou dans les saloons du Far West, l’on est bien passés d’un jeu réservé aux élites à cette époque à une démocratisation de la discipline grâce au poker en ligne, depuis quelques années. Cependant, il existe bien une dimension qui n’a pas beaucoup, malgré les décennies : cet univers reste un milieu machiste : des hommes à une table passant des nuits à jouer au Texas Hold’em ou au Omaha Hi-Lo, on peut dire que l’image persiste en dépit de la présence grandissante et du succès des joueuses.

 

Jason Sommerville, un exemple

C’est en 2012, un jour de Saint Valentin, que le joueur de poker pro américain Jason Sommerville a fait son coming out. Il reste à ce jour, le seul joueur de poker ouvertement gay du circuit professionnel masculin. Il ne l’a pas fait sans appréhension car selon lui, le monde du poker est resté plutôt « archaïque », les mentalités tendent au machisme. Il raconte que ce que l’on peut espérer dans le meilleur des cas, c’est le don’t ask, don’t tell. Ce qui signifie tout simplement, que si l’on ne dit rien, on ne demande rien non plus.

Alors qu’il allait participer à un tournoi avec son compagnon, Jason Somerville a décidé de révéler son homosexualité plutôt que de nier leur relation et mentir en prétendant qu’ils étaient amis. Classique. Qui parmi nous n’a pas utilisé cette couverture ?

Si faire son coming out a été une véritable libération, si les soutiens ont afflué (notamment sur les réseaux sociaux), il a néanmoins été déçu que d’autres coming out n’aient pas suivi. Ce qu’il comprend néanmoins. Il pense que le poker est un environnement machiste, ce qui explique par ailleurs qu’il y ait si peu de femmes dans le circuit.

 

Ryan Laplante, un as du poker

Ryan Laplante maîtrise le poker Omaha Hi-Lo comme personne : en 2016, il remportait le plus gros Pot Limit de l’histoire. Pour Laplante, les attaques homophobes dont il a parfois été victime, ne sont qu’un encouragement à être « out and proud ». Lui aussi est un activiste des droits gay et lutte contre l’homophobie.

Il a remporté son premier bracelet remporté les WSOP, la même nuit où le Pulse, boîte gay d’Orlando en Floride, a connu un destin tragique. Le lendemain, il acceptait son bracelet, son compagnon à ses côtés. Envahi par l’émotion, il a improvisé un discours très émouvant, implorant l’amour de son prochain et la tolérance. Il y exprimait également ses sentiments ambivalents d’avoir remporté son premier bracelet en cette nuit tragique. Nuit qui a fait 50 victimes :

 

« Je suis fier d’être le vainqueur des World Series of Poker et je suis fier d’être gay. Je vous encourage tous à être fier de ce qui vous êtes»

 

Son discours lui a voulu des milliers de témoignages positifs.

 

Vanessa Selbst, une joueuse de talent

On a évoqué les hommes gay dans le monde du poker, mais qu’en est-il des femmes ouvertement homosexuelles ?

Vanessa Selbst, meilleure joueuse de l’histoire du circuit féminin et ouvertement homosexuelle (elle s’est d’ailleurs mariée récemment) fait, elle, état d’un point intéressant : elle raconte qu’au long de sa carrière de joueuse de poker professionnelle, son homosexualité n’a jamais été un problème. En revanche, elle confie avoir été victime de sexisme. Un sexisme bien ancré, presque « ordinaire » : elle témoigne que souvent elle n’était pas conviée à des soirées, parce que on voulait ces soirées « entre hommes », à jouer au poker boire du whisky, fumer des cigares et parler, entre hommes.

Précisions néanmoins que ces quelques clichés ne reflètent qu’une partie la réalité : le monde du poker a aujourd’hui beaucoup évolué, les pros ont une hygiène de vie irréprochable et s’astreignent au même régime que les athlètes de haut niveau.

Si Selbst déclare ne pas avoir été la cible de comportements ou de propos homophobes sur le circuit pro, le comble de l’homophobie est peut-être un article trouvé sur un site américain qui explique que si elle n’a jamais été victime d’homophobie, c’est sans aucun en raison de son apparence. En somme parce qu’elle a un look de lesbienne butch. Comprendre : « elle n’est qu’un mec de plus à la table »…

Le témoignage de Vanessa Selbst sur le sexisme dans le poker est loin d’être un témoignage isolé. Un article du Monde révélait d’ailleurs récemment que quand le poker « aime les filles, c’est parce qu’elles jouent moins bien » !

Le joueur Darryl Fish, témoin de ces comportements, a lui décidé de s’engager pour lutter contre le sexisme dans le monde du poker. Pour lui, si les femmes sont toujours si peu présentes dans le circuit, c’est à cause de l’attitude déplorable que leur réservent leurs homologues masculins.

 

Un microcosme de la société

L’univers du poker n’est-il pas tout simplement un microcosme de la société ? Sans doute, mais on ne pourra pas nier que dans certains domaines, notamment le sport, il est plus difficile d’être ouvertement gay.

Pour Ryan Laplante, c’est en effet la même chose dans le monde du sport : « Prenez le football américain ou le basket, donnez moi le nom d’un joueur ouvertement gay qui joue ? ». Et qu’en est-il du foot chez nous ? Citez-moi un footballeur professionnel qui a fait son coming out et qui joue dans une grande équipe…

Laplante ajoute que pour lui, le monde du poker est malgré tout plutôt ouvert, mais qu’avec le contexte politique aux Etats-Unis, il est plus que jamais important de militer pour ses droits. Et cela commence par la visibilité.

 

Let’s be out and proud !

 

Nombre de témoignages reçus par SOS Homophobie 1994-2016 Crédit : SOS Homophobie

Alors, ça donne matière à réflexion, n’est-ce pas ?

 

 

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